Décembre 81, pour la cinquième fois de cette année je me retrouve à travailler dans le GOM (golfe du Mexique) sur le TARASCO. Mon arrivée à bord, ne s’est pas faite sans quelques émotions qui, je pense sont à l’origine de mes trois premiers cheveux gris.
Tout a commencé le 30 novembre, jour de mon départ sur le vol AF 067 à destination de Houston. Ce jour là, comme à l’accoutumée, j’avais choisi un siège à côté d’un hublot dans la rangée de droite. Dans l’avion, tout était calme, le film de l’après-midi était terminé et la plupart des passagers lisaient ou somnolaient en attendant le goûter.
Moi, j’avais relevé le volet de mon hublot et pour passer le temps, je regardais défiler l’océan Atlantique quelques 10000 mètres plus bas. Aucune terre, ni aucun bateau n’était visible, de l’eau à perte de vue.
Puis, tout d’un coup au loin à l’horizon un petit point noir suivit d’une traînée blanche apparut.
- Tiens, un avion ! Pensais-je immédiatement.
Bien entendu, à cette altitude la visibilité horizontale était excellente et devait dépasser plusieurs dizaines de kilomètres. Tout en continuant mon observation, je pouvais voir maintenant que l’autre avion qui se trouvait à deux heures de notre axe suivait un cap plus ou moins perpendiculaire au notre.
Au fur et à mesure que les secondes passaient, je pouvais constater que l’angle d’approche de nos deux avions ne variait pas. En clair, cela signifiait donc que nous allions nous croiser.
Ce qui m’inquiétait un peu, c’était que l’autre appareil volait à peu près au même niveau de vol que nous, alors que, ayant moi-même passé mon brevet de pilote privé quelques années plus tôt, je savais que théoriquement la distance verticale entre nos deux couloirs aériens devait être de minimum 300 mètres.
Cela faisait maintenant environ une minute que j’avais commencé à apercevoir l’autre aéronef qui au fur et à mesure que le temps passait, avait l’air de s’approcher dangereusement.
- Que font donc les pilotes pensais-je.
Pour sûr qu’ils ont chacun branché le pilote automatique et ne font pas attention à ce qui se passe à l’extérieur.
- Ai-je le temps de sonner et d’informer l’hôtesse de la situation ?
- NON, TROP TARD ! Par le hublot, je peux voir que l’autre avion nous fonce droit dessus puis tout d’un coup disparaît de mon champ de vision. Il vient de passer au dessus de nous à moins de cinquante mètres. Dans la cabine, on entend soudain durant un bref instant un bruit de réacteur suivit aussitôt par quelques turbulences.
Personne dans la cabine à l’exception de quelques passagers ne s’est rendu compte de ce near miss, pas même apparemment les pilotes. Moi, je sais que nous l’avons échappé belle.
Résultat, le soir à Mexico, je suis obligé d’allez boire quelques tequilas dans les bars de la Zona Rosa pour me remettre de ces émotions.
Lendemain matin, 4h30, lever avec un léger mal de tête.
Pour je ne sais plus quelle raison, nous devons nous rendre à Ciudad del Carmen via Mérida en lieu et place d’un vol direct comme nous le faisions à l’accoutumé.
6h30 départ du vol pour Mérida en Boeing 637. Le vol se déroule sans problème. Puis peu avant d’amorcer sa descente, le commandant de bord nous fait l’annonce suivante :
- Señoras y señores, Nous arrivons bientôt à Mérida. Les conditions d’atterrissage ne sont pas excellentes car il y a un épais brouillard au sol. Nous allons tenter une approche, mais en cas d’échec, nous serons détournés vers Cancún où le temps est meilleur. Veuillez maintenant redresser le dossier etc. etc.
Encore une fois je suis assis à l’arrière droit à côté d’un hublot. Tout doucement, le pilote réduit les gaz et entame sa descente vers l’aéroport. Quelques minutes plus tard, sortie des volets. Nous sommes toujours dans les nuages. Descente du train d’atterrissage. Encore un virage sur la gauche et nous voilà en finale.
Les pilotes ont mis full flaps et jouent maintenant avec la manette de gaz pour maintenir un bon angle d’approche. Par le hublot, toujours rien à voir, nous sommes en pleine purée de pois. Instinctivement, je resserre un peu ma ceinture de sécurité.
D’après le bruit des réacteurs, j’estime que nous ne devons pas être loin de la piste. Ca y est, je vois le sol.
Nous sommes déjà fort bas, 20 à 30 mètres tout au plus. Tout d’un coup sous la carlingue, de l’herbe. Nous ne sommes pas du tout dans l’axe de la piste.
Au même instant, les pilotes remettent plein gaz et au bout de quelques secondes l’appareil commence à grimper vers les cieux tout en rentrant le train d’atterrissage.
Mais à peine le Boeing est-il monté de quelques mètres, que je vois l’aile droite passer juste au-dessus de la tour de contrôle.
- Fichtre ! Nous l’avons encore échappé belle.
Quelques instants plus tard, une fois la situation bien maîtrisée, nouvelle annonce au micro.
- Señoras y señores, comme vous avez pu vous en rendre compte par vous-même, la visibilité au sol n’était pas très bonne.
Comme l’aéroport n’est pas équipé d’un système d’approche adéquat, nous allons nous détourner sur Cancun. Veuillez nous excuser de cet inconvénient etc.…
Quelques dizaines de minutes plus tard atterrissage normal sur le dit aéroport.
Vers midi, on nous apprend que le brouillard sur Mérida s’est levé et nous allons pouvoir repartir. Finalement, en fin d’après-midi nous arrivons sain et sauf à Ciudad del Carmen où nous retrouvons avec joie notre hotel habituelle où nous allons passer la nuit.
Inutile de dire que pour faire passer nos émotions, nous nous sommes sentis obligés d’aller boire quelques cervezas dans les bouis-bouis du coin.
Troisième jour de ce long voyage.
Rendez-vous à 9h00 à l’héliport. Là, un grand, gros, gras et tout poisseux officier de sécurité contrôle nos papiers avant de nous autoriser à passer dans la salle réservée au personnel embarquant sur les installations pétrolières.
Une fois les formalités remplies, un préposé vient nous chercher pour nous conduire à l’hélico. D’emblée, je reconnais le pilote. C’est Rambo, un ancien de la guerre du Vietnam qui au vu de sa manière à piloter, en a apparemment gardé une certaine nostalgie.
Tranquillement, après avoir mis nos bagages dans la soute, nous nous installons sur les banquettes. Rambo nous salue, puis nous demande d’attacher les ceintures, de mettre nos casques anti-bruit, puis une fois sa check-list terminée démarre le moteur.
Les rotors se mettent en marche. Plus ils commencent à tourner rapidement, plus le bruit et les vibrations dans la carlingue deviennent intenses.
Ca y est, la vitesse de rotation des pales doit être bonne. Le pilote jette un rapide regard à gauche et à droite, puis actionne ses manches.
L’hélico se soulève lentement de 2 à 3 mètres, s’incline légèrement vers l’avant et commence à voler vers la piste. Petit virage à gauche, ça y est, nous sommes face à la mer et notre Rambo commence sa montée.
- BANG ! Tout d’un coup, une explosion vient de se faire entendre au-dessus de nos têtes.
- Qu’est-ce que c’est ?
Nous nous jetons des regards inquiets car apparemment la situation n’est pas normale.
En effet, en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, le pilote a reposé l’appareil au sol et nous gueule d’évacuer.
Pas besoin de nous le dire deux fois, ni une ni deux, nous ouvrons les deux portes latérales et sortons rapidement de l’hélico.
A l’extérieur, un liquide gicle par intermittence de dessous le rotor principal. Aussitôt dans nos esprits le signal « DANGER EXPLOSION » s’allume et nous nous mettons à courir à toutes jambes pour nous éloigner au maximum de la zone de danger.
Grand moment de stress, pètera ou pètera pas ?
Par chance, rien ne se passe. Les rotors sont maintenant complètement à l’arrêt et plus rien ne gicle du moteur.
Apparemment un simple flexible hydraulique qui s’est rompu. Décidément, ce n’est pas encore cette fois que nous avons rendez-vous dans l’autre monde. Une heure plus tard, un autre hélico nous emporte vers notre barge où nous arrivons finalement sains et saufs en ce 2 décembre 81.
Me revoilà donc sur le champs après ce voyage mouvementé, Kuku notre stratif m’informe que je fais le poste de nuit. Flûte, je n’aime pas trop ce quart car j’ai toujours du mal à m’endormir l’après-midi et donc j'ai encore plus de mal à me lever à 23 h.
Heureusement pour moi, je ne devrai supporter ce rythme de travail que durant quelques jours car il est prévu que je rentre en caisse dans 3 jours. Effectivement, le 6 décembre, jour de la saint Nicolas je rentre en saturation à 12h59 avec le grand Laurent.
Le temps de nous installer, faire une petite sieste et nous voilà déjà prêts à partir pour une première plongée.
Comme cela fait tout de même 15 heures que je suis levé, Laurent, qui avait fait le jour, se propose de faire la plongée. Je serai donc son bellman.
Tout se passe bien et à 23h30 la tourelle remonte en surface.
Vite, une bonne petite douche, un petit repas et c’est parti pour douze heures de sommeil non-stop. Pour l’instant, nous faisons des raccordements de pipelines par soudure hyperbare, ce qui signifie que la plupart des plongées effectuées au cours des jours suivant sont destinées à préparer la mise en place de la chambre de soudure sous-marine.
Vendredi 11 décembre 11h15. C’est à nouveau à mon tour de plonger.
Pendant que mon collègue se prépare à faire la check-list de la tourelle, mon compatriote Eugène le belge, chef de poste de la nuit m’explique rapidement ce que j’aurai à faire.
- Eugène : Salut Francis bien dormi ?
- Moi : Ouais pas mal merci.
- Eugène : Bon je t’explique la situation au fond. Les deux extrémités des pipelines sont côte à côte. Patrick, le plongeur précédent a fait la métrologie sur le mégot à remonter, et il a commencé le découpage. Mais apparemment, il a eu quelques difficultés et a préféré arrêter la découpe. Donc premier boulot pour toi, finir le découpage.
- Moi : Pas de problème.
Evidemment, à bord tout le monde sait que j’adore découper et je dois dire sans fausse modestie que je me défends plutôt pas mal dans cette discipline.
11h50, nous sommes au fond et je suis prêt à sortir de la tourelle.
- Moi : Surface tu me reçois ?
- Eugène : Cinq sur cinq Francis.
- Moi : Ok je sors.
Lentement je me laisse glisser dans l’eau. Debout sur l’un des contrepoids, je jette un rapide coup d’œil circulaire autour de moi afin de bien repérer la situation.
Le long d’un des tronçons, je peux voir les gros parachutes de 10 tonnes qui se balancent légèrement. Puis sur le fond, à quelques mètres de la tourelle, l’extrémité du tube sur lequel je dois travailler.
- Moi : Ok surface, du mou au narghilé.
En quelques secondes je suis sur le fond. Première constatation, mon collègue Patrick est certes avec une poignée d’autre, le Roi de la Plongée Profonde, mais question découpage c’est à pleurer.
Ce qui aurait dû être une découpe franche et nette dans l'acier, n’est en fait qu’une série de trous mal alignés sur une distance d’environ 30 à 40 centimètres.
Bon pas de problème, je vais pouvoir récupérer le coup en recommençant juste à côté.
Par contre, ce qui m’inquiète bien plus, c’est qu’il a également réalisé une entaille en biais d’une dizaine de centimètres sur le dessus du tube.
- Moi : Surface.
- Eugène : Oui j’écoute.
- Moi : Dis-moi, est-ce que Patrick t’a expliqué ce qu’il a fait ?
- Eugène : Oui, comme je te l’ai dit, il a commencé la découpe, mais a préféré ensuite arrêter car cela n’allait pas.
- Moi : Bon ben je peux te dire qu’il a fait une belle merde, et avant de continuer, je vais d’abord reprendre quelques mesures car à première vue on est hors cotes.
- Eugène : Ah bon ! Bon ben Francis, je te laisse avec Jean Pierre car il est midi. C’est lui qui prend la suite.
- Moi : Ok alors bonne nuit Eugène.
C’est maintenant au tour de Jean Pierre G. le chef de poste jour de me saluer.
Très rapidement, je lui explique à nouveau la situation pendant que je reprends quelques mesures. En effet, le morceau de pipe qui doit être retiré, doit être découpé à la distance précise de 100 centimètres par rapport à l’extrémité du second pipeline, car c’est dans cet espace que sera soudé la future manchette qui reliera les deux pipelines ensemble. Malheureusement, ce que je craignais se concrétise.
- Moi : Surface
- J-P : Oui j’écoute.
- Moi : Bon je viens de remesurer. La découpe à la mitraillette de Patrick se trouve à plus ou moins 90 à 98 cm de l’axe et là pas de problème je peux récupérer la coupe. Par contre, la petite découpe sur le dessus se trouve à une distance allant de 102 à 110 cm. Qu’est-ce que je fais, je coupe à 110 ?
- J.P : Euh ! Stand by.
Après quelques secondes de réflexion, Jean-Pierre m’annonce que je dois découper à la cote prévue, c’est à dire pile à un mètre. Cela me laisse un peu perplexe.
- Moi : Tu es certain ?
- J-P : Affirmatif, tu ne t’occupes pas de l’entaille, les soudeurs arrangeront ça dans la chambre.
- Moi : Bien compris Laisse-moi un peu de temps, j’installe mon guide de découpage.
En effet, pour réaliser une coupe parfaitement rectiligne, je me suis fabriqué un dispositif constitué d’un simple bout de corde en nylon que j’ai passé dans un morceau de flexible en caoutchouc pour ne pas que cela crame. L’ensemble est passé autour du tube au droit de la ligne de découpe et maintenu en place fortement serrée, par un nœud adéquat.
Avant de commencer, je m’assure que la masse de contact est bien en place et que de l’oxygène sort à la bonne pression de la pince de découpage Craftsweld. Je place ensuite l’extrémité de mon électrode contre mon guide de découpage et annonce :
- Moi : Surface je suis prêt, contact.
- J-P : Contact !
En surface, l’assistant enclenche le commutateur de courant. Aussitôt, les 400 ampères envoyés dans les câbles provoquent un arc électrique au bout de ma baguette et un crépitement doux et régulier se fait entendre au fur et à mesure que je la déplace.
- Moi : Coupez ! Aussitôt l’assistant ouvre le commutateur.
- J-P : C’est coupé ! Cette coupure du courant me permet de remettre une nouvelle baguette dans la pince sans risquer l’électrocution. Le changement d’électrode me prend une vingtaine de seconde, puis une fois la baguette en place dans la saignée là où j’avais terminé, je redemande le contact.
Pendant que je consume mes baguettes oxy-arc, je me pose la question quant à savoir pourquoi bon nombre de plongeurs de la société sont de piètres découpeurs. D’accord, sans visibilité cela se comprend car il faut alors travailler au touché et à l’ouïe et cela ne s’acquiert qu’avec de longues heures de pratique, mais avec une visi comme aujourd’hui, franchement je ne comprends pas.
Déjà si la célèbre école de Marseille apprenait aux futurs plongeurs à ne pas avoir peur de cet outil et leur enseignait à tenir l’extrémité de la baguette à 2 ou 3 centimètres de l’arc électrique, ce serait un grand progrès car ils pourraient ainsi déplacer l’électrode d’une manière plus stable et régulière.
Pendant que je gamberge, le temps passe et je suis maintenant arrivé à ma neuvième et dernière baguette.
- Moi : Surface, tu peux couper le jus j’ai terminé la découpe.
- J-P : Ah Francis, putain comment tu fais, 15 minutes pour couper 2,87 mètres, ce n’est pas possible je ne peux pas le croire !
- Moi : Mais si c’est possible, tu sais pourquoi ?
- J-P : Non - Moi : Parce qu’au fond les Belges sont pas si cons hi !hi !hi !
- J-P : Bon ça va tu as raison. Est-ce que tu peux encore aller découper deux trous d’élingage à l’extrémité du mégot ?
- Moi : C’est bon j’y vais.
Quelques minutes plus tard, j’ai fini et je fais remonter le matériel de découpage en surface.
- J-P : Ok Francis, la pince est en surface. Est-ce qu’on peut te descendre le câble de la grue pour remonter le bout du tube ?
- Moi : Pas de problème, envoie.
Une dizaine de minute plus tard le mégot est élingué et prêt à être remonté. Comme la visibilité est excellente, je me recule un peu avant de commencer la manœuvre de récupération.
- Moi : Surface tu peux faire reprendre le mou de la grue doucement.
- J-P : On reprend doucement.
Doucement, l’excès de câble commence à remonter vers la surface puis lentement se tend sous l’effet de la prise en poids.
- Moi : C’est bon surface la pièce est dégagée, tu peux la remonter, je vais me mettre à l’abri sous la tourelle.
Pendant ces quelques minutes d’attente, j’en profite pour rapidement aller boire un coup dans la tourelle car je sais que ce qui m’attend après sera un peu plus dur. En effet, il va falloir maintenant que je commence le débétonnage d’une des extrémités de pipe sur une longueur d’environ 7 mètres.
Pour cela, on va m’envoyer un pistolet d’où sortira un fin jet d’eau, dont la pression de 1400 bars sera capable de couper les 14 cm de béton qui entoure les pipelines.
L’outil est vachement efficace, mais inutile de dire qu’il est autrement plus dangereux à manipuler qu’une pince oxy-arc car la moindre maladresse risque de provoquer des blessures extrêmement profondes.
Il est aussi très fatigant à utiliser, car justement à cause des pressions délivrées, la gâchette de mise en œuvre est dure à maintenir en position de fonctionnement et en raison des risques d’accident, il est bien entendu interdit de l’attacher ; la machine doit obligatoirement cesser de fonctionner dès qu’on lâche la gâchette.
Troisième inconvénient et non des moindre, le bruit, ça pour moi c’est le plus terrible à supporter. En effet, une fois en marche, le pistolet émet un sifflement aigu comparable au bruit que fait la tuyère d’un avion de chasse et dans mon casque cela doit allègrement dépasser les 100 décibels. C’est bien simple, en général et malgré la profondeur d’eau, le bruit émis par l’appareil est entendu jusque dans les cabines de la barge.
Ici, au fond du Golfe du Mexique, la procédure de débétonnage est simple.
Une saignée à midi, une à 5 heure et une troisième à 7 heure.
Séparée ainsi de 120 ° il suffira de faire encore une saignée circulaire à la cote des 7 mètres pour faire tomber les trois morceaux. Evidement réaliser une découpe dans le béton sur cette longueur ne se fait pas en quelques minutes mais plutôt en deux ou trois heures car à intervalle régulier, je dois m’arrêter pour éviter les crampes dans les mains.
Au cours d’une de ces périodes d’arrêt Jean-Pierre me demande :
- J-P : Ca va Francis le béton n’est pas trop dur ?
- Moi : Répète j’ai pas entendu.
- J-P : C’est pas trop dur ?
- Moi : Parles plus fort j’entends plus bien
- J-P : JE TE DEMANDE SI LE BETON N’EST PAS TROP DUR ?
- Moi : Ah, non ça va c’est du béton belge.
- J-P : AH, POURQUOI ?
- Moi : Car le béton c’est frite (s’effrite).
- J-P : Ah ! Ah ! Ah ! Couillon va.
Je continue toujours mon dur labeur. Puis au bout d’un certain temps, le chef de poste me demande si je veux me faire remplacer par Laurent. Ouf, je ne suis pas fâché car j’ai des acouphènes plein les oreilles.
Résultat, même supplice pour mon collègue qui lui aussi se tape quatre heures de débétonnage. Reste maintenant aux deux équipes suivantes à dégager les débris de béton, installer les obturateurs à l’intérieur des tuyaux, puis à les aligner pour qu’ils soient bien en ligne avant la descente de la chambre de soudure.
Samedi 12 décembre. Ca y est, tout est prêt au fond et c’est à nous à plonger pour poser la chambre. Comme ce travail demande la présence de deux plongeurs dans l’eau, Laurent et moi partons cette fois avec un troisième collègue.
Au cours de cette plongée, je serai n° 1 donc en clair je passerai un long moment dans l’eau alors que les deux autres plongeurs pourront permuter en cours de plongée. Mais pas de problème car dans l’eau je me sens bien.
Encore une fois nous sommes au fond et j’annonce au chef de poste que je quitte la tourelle. Eugène, consigne l’heure de départ dans le rapport de poste : 02h22
Pendant que Laurent se prépare à son tour, moi, mon premier boulot consiste à fixer deux câbles guides sur les pipes de manière à éviter que la chambre de soudure ne tourne sur elle-même pendant la descente, mais également pour qu’elle arrive pile poil au bon endroit car nous n’avons que très peu de tolérance.
Une fois ceux-ci installés, c’est à la grue de soulever l’énorme masse et de l’amener délicatement malgré les mouvements de houle par-dessus bord pour y faire coulisser les mêmes câbles guides. - Surf : Plongeurs, attention la chambre est prête à être descendue allez-vous mettre à l’abri sous la tourelle.
- Moi : Bien compris, on va sous la tourelle. Dis-moi, vous avez bien mis le fil à plomb à l’intérieur de la chambre ?
- Surf : Affirmatif le centre est bien matérialisé et on a également mis une luciole afin que tu puisses bien le repérer. Ce fil à plomb qui représente le centre de la chambre est très important car c’est grâce à lui que je pourrai vérifier la bonne position.
- Surf : Plongeurs, c’est parti pour la descente.
Comme la profondeur n’est pas très importante, je distingue assez rapidement la chambre de soudure sous-marine (CSSM).
- Moi : Ok surface je vois la chambre, tu descends lentement jusqu’à ce que je dise stop.
Arrivé à 2 mètres du fond, je fais arrêter la descente et retourne sur le pipe. Après avoir vérifié le centrage latéral, je fais doucement poser la chambre sur le fond.
- Moi : OK surface la chambre est posée, je vais aller à l’intérieur pour vérifier le centrage longitudinal.
- Surf : Bien compris tu vas à l’intérieur.
Je passe prudemment par le sas, puis une fois à l’intérieur je repère grâce à la lumière verte qu’elle diffuse, la luciole qui matérialise le centre. Je m’installe bien au milieu de l’espace existant entre les deux extrémités de pipe et vérifie. Aie, la CSSM n’est pas très bien centrée.
- Moi : Surface
- Surf : J’écoute
- Moi : Bon il y a un décalage longitudinal d’environ 30 centimètres, il va falloir remonter un peu et faire un petit déplacement vers midi.
- Surf : C’est bon, on va déplacer un peu vers midi.
Parfait, le mouvement était suffisant et j’ai fait reposer la CSSM. Après une dernière vérification, la surface m’informe que je peux décrocher l’élingage et le faire remonter.
La manœuvre suivante consiste à remonter l’extrémité des deux tronçons de pipelines de manière à pouvoir les saisir dans les pinces hydrauliques. Pour cela, nous devons Laurent et moi gonfler la série de parachutes qui ont été installé à intervalle régulier sur les deux lignes.
Plusieurs dizaines de minutes plus tard, les tubes sont levés et en butés contre les pinces.
- Moi : Surface plongeur 1
- Surf : J’écoute PL1
- Moi : C’est bon, les pipes sont remontés, je retourne dans la chambre pour les sécuriser. Est-ce que tu peux démarrer l’hydraulique afin que je referme les mâchoires.
- Surf : C’est bon PL1 l’hydraulique est en route.
Pendant que j’actionne les manettes, je peux voir que le premier tube se centre correctement dans les pinces. Quelques minutes plus tard, le second pipe subit le même sort.
- Moi : Ok surface tu peux arrêter l’hydraulique les deux tubes sont bien en place.
- Surf : Bien reçu Francis.
Une fois sécurisé, nous devons maintenant nous occuper de placer la première des deux portes qui vont assurer l’étanchéité autour des tuyaux. Celles-ci pendent quelque part au milieu de la CSSM et il nous faudra grâce à divers palans les faire glisser délicatement autour du tube jusque contre les parois en extrémité de chambre, où elles seront maintenues en place par toute une série de boulons.
La fermeture de la première porte, réduit déjà fortement la lumière venant de l’extérieur, mais qu’à cela ne tienne, Laurent et moi nous avons l’habitude de travailler dans le noir.
Commence maintenant pour nous la partie la plus délicate de l’opération, c'est-à-dire dérouler prudemment les doubles jupes en caoutchouc qui devront assurer l’étanchéité autour des pipes et les fixer sur ceux-ci à l’aide de colliers métalliques.
Il faut y aller mollo, car les colliers de fixation sont très acérés et ont vite fait de percer le caoutchouc. Si tel était le cas, nous serions dans le caca, car déjà pour mettre en place une telle jupe sur la porte en surface n’est pas une sinécure même avec trois bonhommes, alors faire la même chose au fond à deux et sans trop de visibilité, non, il vaut mieux l’éviter et donc travailler sans se presser.
La mise en place de ces deux portes nous a pris pas mal de temps, et déjà il est temps de faire le changement de plongeur. Mais avant cela, je vais en profiter pour aller boire un coup dans la tourelle histoire de ne pas perdre de temps.
Une fois désaltéré, je retourne rapidement à l’intérieur de la CSSM pendant que dans la tourelle le bellman et le plongeur 2 permutent.
- Moi : Surface PL1
- Surf : Je t’écoute
- Moi : Ok, je suis à nouveau dans la chambre, tu peux commencer à pressuriser pour chasser l’eau.
- Surf : Bien compris, on commence à pressuriser.
Lentement, l’envoi d’héliox sous pression dans cette enceinte semi close commence à chasser les milliers de litres d’eau de mer. Pendant ce temps, le Baron Arnaud, mon nouveau coéquipier m’a rejoint.
Une dizaine de minute plus tard, nos têtes commencent à émerger de l’eau, mais comme il y en a encore trop, nous nous couchons sur le plancher pour éviter de devoir supporter le poids de nos casques.
OK, le niveau est encore descendu et il ne reste maintenant plus qu’un petit mètre et nous pouvons commencer à nous débarrasser mutuellement de nos harnachements à l’exception bien entendu de nos vêtements à eau chaude.
La chambre est maintenant complètement vidée de son eau, mais dans le faisceau lumineux de nos torches, nous pouvons voir qu’il subsiste quelques fuites au niveau des portes.
Pas de problème, car nous avons le produit miracle pour étancher. Pour l’instant, les communications en direct avec la surface ne sont pas encore branchées et je dois à nouveau passer par mon casque pour parler.
- Moi : Surface PL1
- Surf : Je t’écoute Francis
- Moi : C’est bon, la chambre est vide mais il y a encore quelques petites fuites que nous allons colmater avec de la « monkey shit » avant d’ouvrir la porte de module d’intervention de soudure sous-marine (MISS).
Cette monkey shit (merde de singe) n’est en fait que de l’argile, mais elle se travaille très facilement, un peu à la manière d’une pâte à modeler et colmate parfaitement la moindre fuite. Une demi-heure plus tard, tout est bien étanche, nous allons pouvoir commencer à gréer la chambre.
- Moi : Surface tout est étanche, on va ouvrir la porte du MISS et commencer à installer le matos.
- Surf : C’est bon, tu m’informes quant je pourrai passer sur les communications de la chambre.
- Moi : Bien compris.
Derrière la porte du MISS, se trouve toutes les liaisons qui vont permettre d’alimenter la CSSM en énergie : Communication, éclairage, ventilation, contrôle vidéo, analyse des gaz, hydraulique et bien entendu courant de soudage.
Rien que le branchement et le contrôle de toutes ces liaisons nous prend à nouveau 3 bonnes heures.
Ouf, c’est terminé. Tout est paré pour accueillir les rois du soudage hyperbare.
- Moi : Surface
- Surface : Je t’écoute
- Moi : C’est bon, tout est clair on a fini. Nous allons nous rééquiper pour sortir.
- Surf : C’est bien, bien travaillé, tu me rappelles dès que tu sors.
Finalement, après 10 heures passées au fond, la tourelle refait surface.
Dans les caissons, c’est l’effervescence. Les soudeurs ont pris possession des lieux. Ils ne restent en général que pour la durée du soudage, mais malgré tout, pour la plupart d’entre eux pas question de dormir sur la bannette du haut. Normal, il ne faut pas qu’ils soient courbaturés pour souder. Mais pas de temps à perdre, déjà une équipe de soudeur / tuyauteur accompagné d’un plongeur-bellman, a pris la relève pour partir au fond. Il faut dire que chaque minute compte car il y a un paquet d’argent en jeu.
Moi je suis fatigué mais content car la plongée s’est bien déroulée et nous n’avons pas eu de problème imprévu. Je vais donc pouvoir me reposer durant un bon bout de temps.
Pourtant, à peine dans ma bannette, j’entends que l’hydraulique de la tourelle se met en marche. Tiens, ça ce n’est pas normal, cela fait à peine une heure trente que les gars sont partis et déjà ils remontent. Sans doute ont-ils oublié quelque chose ?
Pourtant, à l’extérieur de l’ensemble de saturation, dans le contrôle plongée et sans que nous en soyons informé, l’ambiance est explosive. Notre bien aimé conducteur de travaux JPB fulmine.
- QUI A DECOUPE LE PIPE ?
Petit regard sur le rapport de poste du 11 décembre. Qu’y lit-on comme nom ? Le mien bien évidemment.
- QU’ON LE DECOMPRIME IMMEDIATEMENT, IL EST RENVOYE !
Moi bien à l’abri dans mon caisson, j’ignore tout de ce qui se trame là-haut.
Heureusement pour moi, mon compatriote Eugène n’est pas encore couché et bien qu'il ne soit plus de quart, se doute qu’il se passe quelque chose d’anormal et vient aux informations. Par chance, il entre dans le contrôle room, justement au moment où le big boss lance son ordre d’expulsion à mon égard. Aussitôt, il intervient.
- Attention Jean-Pierre, c’est vrai que c’est Francis qui a coupé le pipe, mais tous ces problèmes, il les avait signalés au chef de poste qui lui a dit de couper à cet endroit.
Jean-Pierre reste dubitatif.
- Alors, pourquoi est-ce que ce n’est pas inscrit dans le rapport de poste ?
Nouveau coup d’œil sur celui-ci. Etrangement, le rapport de cette date-là, semble avoir été modifié car aucune de mes remarques n’y figurent.
- Qui est-ce qui a fait la connerie alors ?
- Ben c’est Patrick.
Gros silence. Moi, je n’aurai ouïe de cette scène que quelques jours plus tard après ma sortie de caisse. N’empêche, j’ai eu chaud. Sans mon collègue, j’aurais sans doute été radié à vie de la Grande Maison.
Etrangement, aucune sanction n’a été prise à l’encontre des vrais responsables. Mais après tout, ce n’était pas mon problème puisque ma réputation était intacte.
N’empêche, cet incident nous obligeait maintenant à remonter la CSSM pour y installer une manchette plus longue qui devait être faite à la hâte et d’ensuite à nouveau reposer la chambre. Soit deux longues plongées supplémentaires avec à la clé une perte de plus de cent mille dollars. Finalement, deux jours plus tard, la chambre était à nouveau sur le fond, prête à recevoir les soudeurs.
Les deux autres équipes ayant passé leur plongée à remonter puis à reposer la chambre, c’était à notre tour de maintenant repartir avec les soudeurs. Manque de bol pour moi, comme j’avais été plongeur n° 1 lors de notre dernière plongée, je devenais automatiquement le bellman pour la plongée suivante, c'est-à-dire celle-ci.
J’espère, que cette fois j’aurai plus de chance que lors de mon séjour précédent où à cause d’une réparation sur une soudure, j’avais dû passer près de 19 heures dans la tourelle. Cette fois, je ne me laisserai plus avoir et pour ne pas m’emmerder, je prévois de la lecture et des mots croisés en suffisance. Important également, ne pas oublier les sandwichs, deux à trois fruits, l’indispensable bouteille pour pisser et bien entendu le plus important le cordage.
Une vingtaine de minutes plus tard, la check-list tourelle est terminée. Les deux spécialistes soudeurs m’ont rejoint, on va pouvoir y aller.
A cause de la faible profondeur d’eau, le transfert vers la CSSM est très court. - 23 mètres, la porte inférieure de la tourelle s’ouvre par équi pression.
- Moi : Surface porte ouverte stoppe la descente.
- Surf : C’est stoppé.
Par l’écoutille, je distingue parfaitement à quelques mètres plus bas le réceptacle de la chambre de soudure auquel nous devons nous connecter.
- Moi : Ok surface, tu peux descendre doucement la tourelle d’environ deux mètres jusqu’au-dessus du cône, je te dirai stop.
Doucement, la tourelle reprend son déplacement vertical.
- Moi : Stop.
- Surf : C’est stoppé.
La partie inférieure de l’écoutille se trouve maintenant à hauteur du cône.
Pendant quelques instants, j’analyse l’amplitude du déplacement que fait la tourelle. En effet, pas question de taper dans la chambre à cause de la houle, l’arrimage doit se faire en douceur un peu à la manière d’un vaisseau spatial. Ca y est, pendant quelques secondes le balan est à son minimum, j’en profite immédiatement.
- Moi : surf descend doucement
- Surf : Ca descend
- Moi : Stop
- Surf : c’est stoppé
- Moi : C’est bon, on est engagé dans le cône tiens-toi prêt à descendre les derniers 50 centimètres.
- Surf : Quand tu veux
Encore quelques secondes de patience puis :
- Moi : Vas-y, vas-y, vas-y
- Surf : On pose.
Petit choc, la tourelle ne bouge plus.
- Moi : Surface, on est posé, donne un peu de mou dans le câble et l’ombilical.
- Surf : C’est parti, on te donne 3 mètres et on stoppe.
Cette dernière manœuvre, diminue le risque d’arrachement de la tourelle suite à un mauvais mouvement de houle.
A l’intérieur de notre habitacle, j’attends à nouveau pendant une trentaine de secondes afin de vérifier notre stabilité. Parfait, on ne bouge plus. Je vais maintenant pouvoir lentement pressuriser la tourelle afin de chasser l’eau du sas d’accès.
Une fois terminé, il me reste encore à installer les quatre tirants de maintien entre la tourelle et la CSSM et les soudeurs pourront aller bosser.
- C’est bon les gars c’est à vous, bonne chance et n’oubliez pas de refermer immédiatement la porte de la chambre si vous ne voulez pas mourir noyer.
En effet, le transfert dans la chambre est le moment le plus périlleux, car il ne faudrait pas que le bateau dérade à ce moment-là car pour sûre, malgré les tirants il arracherait la tourelle ce qui aurait comme conséquence de noyer la chambre immédiatement avec les risques qu’on imagine. Ce genre d’incident avait d’ailleurs déjà eu lieu par le passé, mais fort heureusement, les soudeurs étaient déjà dans la chambre avec la porte close. Le bellman par contre avait eu la frayeur de sa vie car suite à cela, la tourelle était tombée sur le fond et s’était renversée inondant tout l’intérieur.
Heureusement, tout c’était bien terminé et tout le monde était remonté sain et sauf.
Ici, tout c’est bien passé et je suis maintenant seul dans ma capsule qui tout d’un coup me parait bien plus spacieuse. Bon, comme je suis là pour un bon nombre d’heure, par quoi vais-je commencer ? Si je regardais les poissons qui nagent à proximité des projecteurs extérieurs ? Comme ils ne sont pas exceptionnellement jolis, j’en ai vite marre.
Ca me barbe, je vais plutôt passer aux mots croisés. En 13 lettres qui commence par un S et fini par S: Les deux premiers s’appelaient Charles et John DEANE. Putain, cela me dit quelque chose, mais quoi ? Pendant que j’essaye de m’occuper tant bien que mal à ce jeu, à l’intérieur de la chambre nos deux bonhommes s’activent bruyamment.
Apparemment, le tuyauteur est occupé de meuler un chanfrein sur l’une des extrémités de tube, pendant que l’autre installe le coupe – tube hydraulique sur le second pipe pour le couper à la longueur exacte de la manchette.
Lentement, le temps passe. Pour l’instant, je suis passé à la lecture d’un bouquin très instructif, une sorte de bouquin d’éducation sexuelle qui me raconte les prouesses de Son Altesse Sérénissime le Prince Malko Linge avec sa copine la comtesse Alexandra.
- Ah ! intéressant, à retenir.
- Oh ! le salaud.
Mais finalement, je ne sais pas si cela me fait du bien de lire ce genre de lecture après deux semaines de barge. Résultat, nouvelle séquence aquarium.
- Moi : Surface
- Surf : J’écoute
- Moi : Ca va, ça se passe bien en bas ?
- Surf : Affirmatif, ils sont occupés à positionner la manchette entre les deux pipes.
- Moi : Merci
Allons bon, cela fait déjà un quart du temps de passé. Si je faisais une petite sieste ? Evidemment, pour cela pas question de se reposer recroqueviller sur le petit strapontin, j’ai bien mieux.
Je sors l’indispensable bobine de corde et me voilà occupé à confectionner un hamac entre les divers points d’attaches présent à l’intérieur. Le voilà terminé. Evidemment, il n’est pas bien grand, mais tout de même suffisamment pour que je puisse y mettre la moitié du corps jusqu’au cul. Pour les jambes, sorry pas assez de place elles resteront en pendant.
- Moi plaisantant : Surface, tu peux éteindre la lumière
- Surf : Et puis quoi encore !
- Moi : Tu es un salaud, aucune compassion pour le petit bellman que je suis.
Bien entendu, que je ne vais pas dormir alors que j’ai deux gars dans la chambre, mais au moins maintenant je suis un peu mieux installé pour me reposer. Inexorablement, le temps passe, minuit, deux heures, cinq heures, cela fait bientôt 10 heures qu’ils sont en train de travailler.
- Moi : Surface, ils en sont où ?
- Surf : Ils sont à la dernière passe.
Ouf, cela ne devrait plus être tellement long maintenant, je peux déjà commencer à démonter mon hamac. Effectivement, trois quarts d’heure plus tard, la surface m’informe qu’ils ont terminé et qu’ils se préparent maintenant à faire le contrôle des soudures aux rayons X.
7h20, la porte inférieure s’ouvre enfin et nos deux rois de la soudure apparaissent les traits tirés. Pour éviter les radiations générées par la source radioactive, ils sont obligés de venir se mettre à l’abri dans la tourelle lors de chaque tir. Pas sûr d’ailleurs que même ici nos burettes n’en prennent pas un coup car la source n’est qu’à quelques mètres de nous.
Voilà, il est 9h05 heures. C’est terminé, je peux enlever les tirants de maintien et refermer la porte intérieure de la tourelle.
- Moi : Surface, tu peux nous remonter.
Une fois en surface, le contrôleur NDT récupère immédiatement les radios et va les développer dans son labo. Suspense.
Le voilà qui revient : Verdict, tout est bon, aucun défaut de soudure.
Dans le caisson, les soudeurs se congratulent tout en faisant le geste de tirer sur le manche du tiroir-caisse. Ils ont de quoi avoir le sourire, car comme à chaque soudure réussie du premier coup, il empoche une prime substantielle de plusieurs milliers d’euros.
Evidemment, cela peut paraître excessif, mais n’est pas soudeur hyperbare qui veut.
Comme ils n’ont pas d’autre soudure à faire dans la foulée, Serge, notre caisson master leur signalent qu’ils doivent passer dans le caisson de décompression.
Ouf, nous aurons à nouveau un peu plus de place dans notre caisson.
Au cours des jours suivants, je ferai encore quelques plongées pour des travaux divers. Puis finalement, le 21 décembre, le jour de la délivrance de ce (court) séjour a sonné pour Laurent et moi. Après 19 heures de décompression, nous revoyons enfin le soleil.
Comme toujours, en pareil cas, nous avons l’air de deux zombies car nous avons perdu pas mal de globules rouges dû au fait d’avoir respiré un mélange gazeux dont la pression partielle d’oxygène était supérieur à la pression normale.
Heureusement, ils nous restent encore quelques jours pour se refaire un petit bronzage sur la piste hélico après le poste de travail.
29 décembre, ça y est le jour du départ est arrivé. Ce matin, je me suis douché et pomponné bien plus que d’habitude histoire de laisser ici de mes problèmes de chantier.
10h00, attention l’hélico est annoncé prière de se tenir prêt. Vite un dernier au revoir aux collègues qui restent et :
- Putain où il est mon sac de voyage ? Je l’avais pourtant déposé au pied de l’escalier.
Immédiatement je sais par où je dois chercher. Je lève les yeux vers le ciel et comme je m’y attendais, vois mon sac pendre là tout en haut au crochet de la grue.
- SVP monsieur le grutier rend moi mon bagage.
Entre temps, l’hélico vient d’atterrir. Ouf, mon sac descend et je cours le saisir.
- Aie, il pèse une tonne.
Et merde, c’est encore ce farceur de Philippe qui y a mis 2 grosses manilles de 15 kg. Je les sors en toute hâte et les jettent sur le pont, puis monte quatre à quatre les marches qui mènent à l’hélideck.
Contrairement à nous, les gars qui débarquent n’ont pas trop le sourire. Normal, ils devront passer nouvel an à bord et râlent un peu.
Heureusement, et j’en suis certain, d’ici quelques jours ils seront à nouveau habitués à ce genre de vie.
Quant à moi, encore une très brève escale à Ciudad de Carmen
et puis en route pour ma petite Belgique où je rentrerai juste à temps pour passer le réveillon avec ma petite famille.
Papy One
Quelques photos et dessins pris sur Internet