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  • : Histoires d'un scaphandrier or the Stories of a Commercial Diver
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5 mai 2016 4 05 /05 /mai /2016 16:52
L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Bonjour à tous,

Pour ceux qui le souhaites vous pouvez maintenant télécharger et imprimer “La petite histoire du découpage sous eau “ dans son entièreté à: https://www.academia.edu/24940668/La_Petite_Histoire_du_D%C3%A9coupage_Sous_Eau

Comme vous avez pu vous en rendre compte à la lecture de certaines de mes histoires j’ai depuis le début de ma carrière toujours adoré les travaux de découpage sous eau et donc quoi de plus normal si aujourd’hui en tant que scaphandrier à la retraite et disposant d’un peu plus de temps libre, j’ai pris de celui-ci pour m’intéresser un peu plus en détail à l’origine de cette technique. Actuellement les plongeurs-scaphandriers ont à leur disposition divers outils et procédés pour accomplir ce genre de mission comme par exemple :

- Le découpage au chalumeau.

- Le découpage électrique à l’électrode pleine.

- Le découpage électrique à l’électrode oxy-arc.

- Le découpage électrique à l’électrode ultra-thermique.

- La lance thermique.

- Le câble Kerie.

- Le plasma d’arc.

Mais comme on peut l’imaginer cela n’a pas toujours été le cas.

Je vous invite dès lors à me suivre au travers de quelques articles et découvrir ainsi l’histoire de ces fabuleux outils.

Depuis que les frères John & Charles Deane inventèrent le premier casque de plongée moderne avec lequel ils allaient créer le métier de scaphandrier en 1832 nos anciens ont été confrontés à des situations au cours desquelles il leur a fallu faire usage d’outils capable de couper.

Pour ces pionniers des travaux sous-marins la panoplie n’était pas bien grande et elle se limitait généralement à un couteau, une scie, une hache ou encore à un marteau accompagné de son burin.

A l’époque une grande partie des travaux sous eau se faisait sur les épaves et consistait à en récupérer la cargaison.

Parfois, lorsque l’épave gênait la circulation elle était détruite et dans ce cas les outils utilisés n’étaient bien entendu plus ces outils à main, mais plutôt la poudre noire et plus tard dès 1864 la célèbre dynamite inventée par Mr A. Nobel.

Figure n° 1 : Démolition d’une épave en bois à l’aide de poudre noire (1)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Vers la fin du 19 ième siècle les choses se compliquèrent un peu pour nos amis scaphandriers avec l’apparition des premiers bateaux à coque d’acier et les structures portuaires diverses faites dans le même métal.

Les découpages à l’aide de boudins d’explosifs continuaient à être utilisés mais cette technique n’était pas toujours bien maitrisée.

Soit on chargeait trop peu et rien n’était coupé, soit on chargeait trop et on détruisait bien plus que prévu.

Heureusement pour les petits travaux de découpage, outre le marteau / burin, les anciens disposaient maintenant de la perceuse pneumatique qui avait été inventée par Mr Simon Ingersoll en 1871 suivit un peu plus tard du burineur.

Grâce à ces deux outils ils pouvaient en réalisant une série de trous jointifs couper de petites longueurs d’acier.

C’est par exemple ce procédé qui a été utilisé sur l’épave du H.M.S Gladiator qui avait sombré en avril 1908 suite à une collision avec le St Paul (le même que nous retrouverons plus loin dans un autre article).

En effet, pour éviter que certaines structures ne gênent les opérations de renflouement, les canons de 15 tonnes, les 3 cheminées et les mâts ainsi que toutes les autres structures gênantes furent coupées à l’aide de burins pneumatiques.

Photo n° 1 : H.M.S Gladiator avant son naufrage (2)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Photo n° 2 : H.M.S Gladiator lors de travaux de renflouement (3)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Nul besoin de dire qu’à l’époque le découpage d’une structure en acier était particulièrement laborieux et pénible et il était nécessaire de trouver d’autres équipements plus adaptées.

Le premier outil efficace qui allait être mis à la disposition des scaphandriers en ce début de 20 ième siècles fut le chalumeau découpeur sous-marin, mais ce fabuleux engin qui allait révolutionner les travaux sous-marins n’aurait cependant jamais pu voir le jour sans le génie de certains hommes.

Le premier s’appelait Edmund Davy, c’était un professeur de chimie irlandais qui en 1836 découvre le C2H2 (acétylène) et imagine que ce gaz pourrait lorsqu’il brule dans l’air être utilisé comme gaz d’éclairage.

Vient ensuite Henry le Chatelier un chimiste français qui en 1895 découvre que la combustion d’un mélange oxygène / acétylène génère à volume identique une flamme dont la température atteint environ 3130 °C ce qui dépasse la température de combustion des autres mélanges connus. Trois années plus tard ce même Monsieur suggère d’inventer un appareil capable d’exploiter ce mélange de gaz afin qu’il soit utilisé pour le soudage et le découpage des métaux ferreux.

En 1896 deux autres scientifiques français George Claude et Albert Hess inventent à leur tour un procédé permettant de stocker sous pression et sans risque d’explosion de l’acétylène dans des bouteilles.

Autre personnage clé ayant favorisé cette invention : Carl von Linde un ingénieur allemand qui en 1902 construit la première usine destinée à produire industriellement de l’oxygène et de l’azote grâce à un procédé de liquéfaction de l’air.

Et enfin last but not least, Edmond Fouché et Charles Picard qui en 1902 invente le premier chalumeau oxyacétylénique destiné à souder les métaux (Brevet n° 325 403, déposé le 18 octobre 1902) suivi ensuite en 1904 par le premier chalumeau découpeur.

Figure n° 2 : Les premiers chalumeaux oxyacétyléniques soudeurs et découpeurs (4)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Evidemment, cette nouvelle invention allait rapidement faire le tour du monde et de nombreux pays vont acheter les droits de ce brevet pour eux aussi fabriquer cet outil.

Malheureusement pour nos travailleurs sous-marins en dépit de la mise en œuvre rapide de cet engin de découpage sur les chantiers de démolition à l’air libre, il a malgré tout fallut attendre jusqu’en 1909 pour qu’on s’intéresse à lui pour les travaux sous eau et qu’on commence à le mariniser.

Auparavant on avait déjà tenté de le faire bruler sous eau mais la flamme s’éteignait constamment à cause des turbulences engendrées par le flot de bulles de gaz résiduels.

Comment donc faire pour y remédier ? Pourquoi ne pas faire brûler la flamme du chalumeau dans une bulle d’air l’isolant du contact de l’eau.

Il semblerait que cette idée a germé plus ou moins en même temps dans la tête de deux personnes.

Celle de Charles Picard qui bosse pour l’usine d’acétylène dissous de Champigny et l’autre, celle de l’ingénieur A. Heckt de l’entreprise allemande der Deutsch-Luxemburgischen Bergwerks und Hütten-A-G.

Cette dernière prend cependant une petite longueur d’avance sur les français car dès 1909 l’entreprise achète 4 brevets allemands grâce auxquels elle va pouvoir fabriquer le tout premier chalumeau découpeur sous-marin (5).

Pour protéger la flamme de son chalumeau notre ingénieur invente une espèce de coiffe caréné qui entoure le bec du chalumeau dans lequel est envoyé l’air comprimé.

Photo n° 3 : Premier chalumeau découpeur sous-marin (6)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Photo n° 4 : Détail coiffe (7)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Comme gaz de découpage outre le mélange oxyacétylénique il utilise également très rapidement un mélange oxyhydrique (oxygène / hydrogène).

Les premiers essais sont effectués dans une cuve équipée de hublots en présence de nombreux ingénieurs et représentants du département du Canal de l’Empereur Guillaume et à cette occasion un scaphandrier découpe au chalumeau oxyhydrique un fer plat de 100 x 20 mm (8).

A une autre occasion un scaphandrier descend à 5 mètres de profondeur dans le port de Kiel et y découpe un fer carré de 60 mm en trente secondes suivi ensuite d’une tôle de 300 x 20 mm qu’il parvient à découper en 90 secondes (9).

Photo n° 5 : Scaphandrier allemand avec son découpeur (10)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Dès 1914 ce chalumeau allemand commence à être utilisé pour découper des palplanches, des pièces de constructions métalliques, des morceaux d’épaves et d’après les écrits les vitesses de découpage peuvent atteindre 1,45 mètre de palplanche à l’heure tandis que les épaisseurs susceptibles d’être découpée avec ce premier outil peuvent atteindre les 150 millimètres (11).

Photo n° 6 : Découpage palplanches 1914 (12)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

En 1915 un second chalumeau allemand fait son apparition, celui de W. BRUSCH & W. F. J. BEYER mais apparemment des problèmes d’extinction semble exister car quelques mois plus tard nos deux inventeurs mettent au point un système d’allumage électrique dont le courant est délivré par un petit transformateur portatif qui vu son poids sert également de lest.

Figure n° 3 : Brevet chalumeau W. BRUSCH & W. F. J. BEYER (13)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Photo n° 7 : Scaphandrier tenant son transformateur portatif (14)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

En 1932 un nouveau chalumeau fait son apparition c’est celui du berlinois Monsieur H. Töpper.

La particularité de cet appareil est que la flamme de chauffe n’est non pas alimentée avec un gaz combustible mais au contraire avec un combustible liquide usuel tel que l’essence, le benzol ou autre.

Ce combustible liquide est envoyé au chalumeau par l’intermédiaire d’une bouteille d’air ou azote comprimé où il va être réchauffé et ensuite vaporisé grâce une résistance chauffante qui est incorporée dans le corps du découpeur.

Photo n° 8 : Chalumeau Töpper (15)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Photo n° 9 : Détail chalumeau Töpper (15)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Figure n° 4 : Schéma installation (15)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

A l’aide de ce chalumeau le scaphandrier pouvait en fonction de l’épaisseur (10 – 40 mm) découper une tôle d’acier de 1 mètre entre 160 et 220 secondes (16)

Un an plus tard c’est au tour de Messer Griesheim d’arriver sur le marché avec son découpeur sous-marin. Celui-ci a été développé pour pouvoir être utilisé sur des épaves gisant jusqu’à 60 mètres de profondeur.

Photo n° 10 : Chalumeau Messer Griesheim (17)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Le principe de fonctionnement est plus ou moins identique à celui de son prédécesseur, c’est - à - dire que l’essence qui ne peut être détendu est amené jusqu’au bec du chalumeau par l’intermédiaire d’azote comprimé où elle est ensuite pulvérisée dans l’oxygène.

Le corps du chalumeau est composé de 3 vannes servant à l'alimentation de l'oxygène de coupe, à celle de l'oxygène de chauffe ainsi que pour le mélange azote - essence.

Photo n° 11 : Chalumeau à essence Messer Griesheim (18)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Trois tubes amènent ensuite les gaz et le liquide à la tête du chalumeau.

Les tubes, de même que la tête du chalumeau sont interchangeables permettant ainsi d'obtenir une inclinaison différente du bec, ce qui facilite la manipulation de l’outil en fonction du travail de découpe.

Un des gros avantage de ce chalumeau c’est qu’il n’a plus de cloche d’air, celle – ci a été remplacée par une chambre de combustion (voir Picard H7) ce qui permet dès lors s’il y a un peu de visibilité de mieux distinguer la coupe.

Dès sa mise en service les performances de cet appareil sont telles qu’il va rapidement devenir le plus performant du marché car en fonction de l’épaisseur à découper (10 mm à 100 mm) il peut atteindre une vitesse de coupe comprise entre 30 m et 6 mètres à l’heure (19).

Pour le commun des plongeurs professionnels contemporains, ces vitesses de découpage sont assez inimaginable pourtant lors d’un découpage réalisé à Paris durant les années septante, j’ai été le témoin de la prestation d’un vieux scaphandrier hollandais qui à l’aide de ce chalumeau parvenait à découper entre 145 et 160 mètres de palplanches en six heures de plongée.

Pour arriver à un tel rendement le chalumeau avait besoin d’utiliser une pression d’oxygène élevée ce qui en période de froid avait tendance à provoquer le givrage du gaz.

Pour éviter ce phénomène, le constructeur avait prévu de faire passer le circuit d'oxygène au travers d'un réservoir d'eau réchauffée à environ 40 °C.

Figure n° 5 : Détails installation Messer Griesheim (20)

L’HISTOIRE DU DECOUPAGE SOUS EAU (première partie)

Très utilisé durant les années 40 - 45 pour le découpage de nombreuses épaves, son emploi a ensuite diminué très fortement car en dépit de ses performances élevée ce chalumeau avait aussi quelques inconvénients sérieux dont notamment le niveau sonore.

En effet, le bruit généré par la combustion de la flamme était comparable à celui générée par un jet et devait largement dépasser les 100 décibels.

Deuxièmement comme avec tous les chalumeaux, la flamme ne consumait pas entièrement le gaz ou dans le cas présent le liquide combustible, résultat de l’essence avait tendance à remonter en surface avec comme conséquence la pollution du milieu ambiant.

L’ensemble de cet équipement était assez laborieux à mettre en œuvre et pouvait devenir dangereux si toutes les règles de sécurité n’étaient pas respectée et enfin ce chalumeau consommait beaucoup d’essence (25 – 40 litres / heure) et de ce fait il est devenu de moins en moins rentable à cause de la hausse des prix du carburant.

A suivre : Les chalumeaux découpeurs français.

Références articles:

(1) Diving apparatus with instructions for submarine opérations by Siebe & Gorman 1870 page 26

(2) https://en.wikipedia.org/wiki/HMS_Gladiator_(1896)

(3) https://nickoftimemktg.files.wordpress.com/2014/11/hmsgladiator1908.jpg

(4) https://www.cganet.com/docs/100th.pdf page 7

(5) Das Acetylen:Seine Eigenschaften seine Herstellung und Verwendung by J.R.Vogel 1923 page 267

(6) Das Acetylen:Seine Eigenschaften seine Herstellung und Verwendung by J.R.Vogel 1923 page 268

(7) Das Acetylen:Seine Eigenschaften seine Herstellung und Verwendung by J.R.Vogel 1923 page 268

(8) mémoires de la société des ingénieurs civils volume 102,1914,page 235

(9) http://paperspast.natlib.govt.nz/cgi-bin/paperspast?a=d&cl=search&d=NOT19140822.2.12&srpos=1&e=-------10--1----2melting+steel+under+water--Xx

(10) Der Grundbau: Ein Handbuch Für Studium und Praxis Par Schoklitsch Schoklitsch 1932 , page 150

(11) Der Grundbau: Ein Handbuch Für Studium und Praxis Par Schoklitsch Schoklitsch 1932 , page 151

(12) Das Acetylen:Seine Eigenschaften seine Herstellung und Verwendung by J.R.Vogel 1923 page 270

(13) F.W.Brusch & W.F.J.Beyer Patent 1,298,880

(14) Praktisches Handbuch der gesamten Schweisstechnk by P.Schimpke & H.Horn 1924 page 129

(15) Le génie civil. Revue générale des industries françaises et étrangères (1932/12/17) page 612

(16) Le génie civil. Revue générale des industries françaises et étrangères (1932/12/17) page 612

(17) http://www.divingheritage.com/tools_cutting.htm

(18) http://www.pieds-lourds.com/Pages/pages.htm

(19) Die Schweisstechnik des Bauingenieurs: Einführung in Entwurf, Berechnung Par Bernhard Sahling 1952 page 209

(20) Manuel de découpage sous-marin par F. Hermans 1995 page 34

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commentaires

S
Bonjour, <br /> <br /> J'adore votre blog! Moi aussi je fais de la plongée mais ce que vous faites là, c'est tout simplement impressionnant. <br /> <br /> Passez sur mon blog un de ces quatre! ce serait cool d'avoir l'avis d'un professionnel qualifié comme vous. Le lien vers mon blog : http://romainlhoste.over-blog.com/2015/05/instructor-trainer-ccr-liberty.html#ob-comment-ob-comment-87445598<br /> <br /> A bientôt!
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P
Merci Sarah pour ton appréciation. Promis, je passerai sur ton blog dans la journée.